Les préparations à fêter l’Année Jubilaire de 100 Ans de la Fondation de notre Institut des Missionnaires Catéchistes du Sacré-Cœur en 2022, surtout en Europe, se sont trouvées perturbées d’abord par la crise sanitaire liée à la covid-19. Les confinements successifs et l’incertitude, durant les deux années de pandémie, nous ont obligé à un programme minimum. Notre Fête de 100 Ans se trouve un peu éclipsée également par la préparation du Chapitre Général MCS-C de juin-juillet 2022. L’année 2022, l’année même des festivités du Centenaire, est désormais marquée par une autre crise,
celle de la guerre en Ukraine, éclatée le 24 février 2022, avec toutes ses conséquences directes ou lointaines qui affectent et se répercutent dans le monde entier…
Fêter le passé et se projeter dans l’avenir dans ce contexte n’est pas si aisé, pourtant c’est indispensable, d’autant plus que l’exemple de nos Fondateurs nous trace les chemins de l’espérance possible dans les situations semblables d’extrême insécurité.
En 1914, les Sœurs Munet quittent Lyon et s’engagent à la Croix Rouge pour les soins des blessés de guerre à Menton ; le Père Jean-Marie Chabert, de justesse échappée à la mort en Égypte lors d’une révolte à Zagazig, se met au service des blessés de guerre. Alice Munet et le Père Chabert ont été décorés des médailles des épidémies pour leur dévouement durant cette période 1914-1918 … Ils nous ont démontré combien, même ces moments de crises sont des temps de progrès importants.
Comme disait le saint Curé d’Ars à Pauline Jaricot, béatifié à Lyon le 22 mai 2022 : « Ma sœur, Dieu a permis cette grande épreuve et votre foi l’a acceptée. Attendez le ciel pour comprendre les dessins de notre Maître, toujours si bon malgré ses rigueurs apparentes. Là-haut il nous dira ses pourquoi, et alors bien-sûr, nous lui dirons de tout notre cœur : merci. » Ces deux lyonnais ont sûrement influencé la future génération des jeunes chrétiens disciples-missionnaires issus de Lyon ou pas, et parmi eux, Alice et Marie-Thérèse Munet, Fondatrices des sœurs Missionnaires Catéchistes du Sacré-Cœur. Tous voulaient réparer la France par le nouveau zèle missionnaire, après l’épreuve de la Révolution qui a fait déserter Dieu de l’espace public…
Aujourd’hui, la Pologne voisine est confrontée à l’accueil massif sans précédent, de 3,5 millions de personnes reparties surtout dans les grandes villes comme Varsovie, Cracovie … La structure de la population d’un seul coup a changé, les Ukrainiens sont visibles pratiquement partout, leur langue est très présente dans les rues, dans les magasins, dans le transport commun (TGV, métro, bus), etc…
Les Pères SMA leur ont ouvert les portes du Centre d’Animation Missionnaire et Spirituelle SMA de Borzęcin Duży. La communauté des Sœurs MCS-C créée en Pologne en 2020, à Borzęcin Mały, en pleine crise covid-19, se fait également présente pour aider des réfugiés ukrainiens, victimes de la guerre éclatée 100 plus tard, de manière si inattendue en Europe.
Sr Elżbieta Szmidt dispense la catéchèse dans deux écoles, à Borzecin et à Koczargi. Dans la première, les classes d’élèves ukrainiens ont été mises en place avec un enseignant attitré. Par contre, à Koczargi, les enfants de niveaux différents, après leurs évaluations, ont été répartis dans les classes déjà existantes, mélangés aux élèves polonais. Tous ne s’inscrivent pas automatiquement à la catéchèse, mais quelques-uns qui sont dans les classes avec Sr Elżbieta, s’intègrent très bien : ils savent écrire, ils comprennent le polonais mais sans pouvoir le parler… Entre les enfants, il y a une belle collaboration, ils se traduisent ponctuellement certains mots plus difficiles ou ils se font très calmement de petits dessins rapides pour arriver à la compréhension plus rapide des phrases et des messages…
Les collectes de vêtements et d’argent sont souvent organisées dans ces deux écoles. Les besoins sont traités de manière individuelle comme pour l’achat d’une paire de chaussures à la pointure bien précise 38 … Les Ukrainiens cherchent du travail, un bon nombre s’installe pour durer.
J’écris ces quelques lignes à Lyon, mais mes souvenirs de ces premiers jours de cette guerre restent très vifs … elle m’a surprise en Pologne.
Le 12 février j’ai pris l’avion pour Varsovie pour rester aux côtés de mon père malade. Une semaine après mon arrivée, le 24 février au petit matin, j’apprenais la déclaration de la guerre à l’Ukraine par la Fédération de la Russie. Un véritable choc, une sidération… personne n’y croyait, ce premier temps était un vrai cauchemar mental, un mauvais rêve…qui devenait réalité au fil des heures et des jours… dont on reste forcement marqué. Ma ville natale est une vraie poudrière en cas d’attaques… dans ma région il y a plusieurs bases militaires de l’OTAN, situées seulement à 6 km et à 30 km. C’est une des raisons pour laquelle relativement très peu d’Ukrainiens en fuite ont pu être accueillis au nord-est de la Pologne. Ma paroisse a commencé juste avec 80 personnes, pour la plupart des enfants orphelins, provenant des orphelinats évacués du sol ukrainien. D’autres voulaient rester dans la proximité de la frontière ukrainienne au sud-est, espérant le retour rapide possible surtout à Kiev…
Quelques colis envoyés aux Sœurs par nos bienfaiteurs polonais, destinés initialement pour nos missions d’Afrique, ont été pris d’urgence pour l’aide aux personnes qui ne cessaient pas d’affluer de l’Ukraine impitoyablement bombardée. A Varsovie, dans le transport en commun, personnellement j’ai rencontré de nombreuses femmes avec enfants, les poussettes pour bébés. Les bus polonais affichaient deux drapeaux en solidarité avec l’Ukraine.
Les pères SMA, en ce temps, attendaient l’arrivée de la deuxième vague de personnes pour leur maison. Le Centre Caritatif des Volontaires laïcs « Solidarité » rattaché à la SMA polonaise, s’est aussitôt engagé auprès des pères de manière très active pour cet accueil des réfugiés de guerre (au départ auprès de 40 personnes, par la suite plus de 90). Cette aide passait par le matériel, l’organisation d’accueil, la recherche même de subventions possibles d’État et dons des particuliers, mais aussi le spirituel, l’accompagnement psychologique et l’indispensable soutien moral, aussi plus spirituel des mères avec enfants de tout âge. Les plus jeunes enfants ont quelques mois, nés en décembre 2021. Nombreux sont les adolescents, quelques personnes âgées, grands-parents de ces enfants et jeunes, ainsi que deux femmes enceintes. Dans la grande salle à manger du Centre Missionnaire et Spirituel SMA, transformé en « pensionnat », la carte de l’Ukraine a été affichée pour que chacun d’entre ces personnes puisse mettre une épingle sur sa ville natale et sa maison familiale. Nos voisins de l’est agressés si brutalement par la Russie, proviennent de toute l’Ukraine.
Le Centre SMA a dû courageusement et très progressivement s’adapter à la nouvelle réalité : il fallait mettre des machines à laver le linge en plus, acheter deux frigos et lave-vaisselles supplémentaires, installer un espace cuisine dédié avec des placards pour le matériel, pour contourner les normes d’hygiène en vigueur pour des centres d’accueil classiques. Dans les chambres à deux lits, il fallait installer des matelas pour enfants et des berceaux pour bébés. Le personnel (cuisiniers, technicien de ménage, comptable, réceptionnistes, etc.) du Centre collabore de manière remarquable pour la bonne gestion du quotidien.
Depuis plusieurs semaines, une médecin volontaire espagnole est au service des personnes accueillies. Le service psychologique a été mis en place et les cours d’apprentissage de la langue polonaise pour une intégration plus facile et plus rapide de ces personnes en Pologne. Nous ne savons pas combien de temps, elles vont rester en Pologne : le transport est gratuit, l’accès au marché du travail également, les cartes de séjours de 18 mois prévus par le Gouvernement polonais très présent dans la gestion de cette crise humanitaire.
Sr Iwona Kucharska travaille au secrétariat de la Maison Provinciale SMA et croise régulièrement les familles accueillies, parfois il est possible d’avoir plus de contact et d’échange…la joie lors de jeux d’enfants se laisse entendre… De manière générale, ces personnes sont très reconnaissantes pour toute cette aide apportée, mais au fond d’elles-mêmes pensent à un retour chez elles.
Sr Iwona a été déjà confrontée lors de sa formation à Varsovie, à des étudiants ukrainiens, dont le nombre accroissait depuis 2014 avec l’annexion de la Crimée par la Russie. A l’époque le monde, préoccupé par la crise migratoire, n’a pas vu le problème existant dans ce coin de l’Europe, ni pressenti une nouvelle agression russe possible 8 ans plus tard. A l’époque, de nombreux Ukrainiens ont émigré en Pologne et en Allemagne… beaucoup d’étudiants et de travailleurs ukrainiens présents depuis ces années en Pologne, constituent une aide incommensurable à l’accueil de leurs compatriotes victimes du conflit ouvert récent avec la Russie.
Nous continuons dans cet esprit et nous espérons le retour de meilleurs jours. Nous nous sentons du bon côté de l’histoire, comme il y a 100 ans, nos deux jeunes Fondatrices. Elles trouvaient courageusement leur force d’avancer avec l’audace dans l’avenir, où Dieu les attendait : « Pendant toute la guerre, nous avons soigné les noirs blessés et nous nous sommes attachées à eux au point que nous voudrions continuer à nous occuper en Afrique … », Alice et Marie-Thérèse Munet.
Les moments difficiles que l’humanité traverse ont aussi ce côté lumineux d’une promesse de paix, d’amitié entre les peuples et les cultures. Nos Fondatrices l’ont bien compris, la 1ère guerre mondiale a créé la possibilité d’avancer en humanité, que cela soit de même pour ce temps de souffrance éprouvée par de nombreuses familles séparées et en dispersion à travers l’Europe et le monde. Pensons également aux victimes innocentes de tous les autres conflits et injustices, si peu ou non-médiatisés à travers le monde, particulièrement en Afrique.
Que notre humanité retrouve ses vraies valeurs et sa boussole dans le Christ Ressuscité, la Parole Vivante, la seule capable de négocier à l’intérieur du cœur humain, la paix qui dure.
s. Krystyna Walada, mcs-c